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Non, les suspects d’attentats terroristes ne sont pas systématiquement tués par la police

Non, les suspects d’attentats terroristes ne sont pas systématiquement tués par la police
Non, les suspects d’attentats terroristes ne sont pas systématiquement tués par la police

Anne-Aël Durand et Lucas Baudin – Le Monde

Quarante-huit heures après l’attaque meurtrière du marché de Noël de Strasbourg, qui a coûté la vie à quatre personnes et qui en a blessé douze, le principal suspect, Cherif Chekatt, a été tué, jeudi 13 décembre, par une brigade de police dans le quartier de Neudorf. Les membres de la brigade spécialisée de terrain (BST) s’apprêtaient à l’interpeller lorsqu’il leur a tiré dessus. Les policiers ont alors répliqué et l’ont abattu, selon le récit qu’a fait lors d’une conférence de presse le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz. Les événements ont été relatés jeudi en direct sur Le Monde.

Ce que dit la rumeur :

Au cours de ce direct, plusieurs lecteurs nous ont interrogés sur ce scénario, jugé systématique, d’un terroriste abattu par les forces de l’ordre. C’est notamment le cas de Brenda :

« N’est-ce pas étonnant que depuis deux ans toutes les affaires terroristes, mais aussi de prises d’otages se terminent invariablement par “l’individu a été neutralisé (comprendre abattu) par la police” ? De ce fait, pas de procès, peu d’explications au grand public et aux victimes. »

POURQUOI CE N’EST PAS TOUJOURS VRAI

L’Europe a été régulièrement touchée par des attentats meurtriers ces dernières années, le plus souvent revendiqués par le groupe Etat islamique. Selon notre recensement, si l’on s’en tient aux attaques perpétrées depuis le début de 2015, on dénombre déjà 350 victimes en Europe.

La plupart des terroristes ou suspects sont morts à la suite de leurs attaques, mais ils n’ont pas été « invariablement » abattus par les forces de l’ordre et plusieurs d’entre eux seront jugés. Plusieurs cas de figure sont observés :

Les kamikazes

Certains terroristes organisent des attentats-suicides en se faisant exploser au milieu de leurs victimes : c’est le cas de plusieurs membres du commando des attentats du 13 novembre 2015 à Paris et Saint-Denis, de ceux des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, ou de l’homme qui s’est fait exploser en causant la mort de 22 personnes lors d’un concert d’Ariana Grande à Manchester, en mai 2017.

Les terroristes tués sur les lieux de leur attaque

De nombreux terroristes ont été abattus sur les lieux même de l’attaque par les forces de l’ordre. En janvier 2015 lors de la prise d’otages de l’Hyper Cacher ; en juin 2016 à Magnanville ; le mois suivant à Nice ; en mars 2017 à Londres ; en octobre 2017 à Marseille ; en mars 2018 à Trèbes ; en mai 2018 à Liège ; et dans de nombreux autres cas.

Les situations varient, mais les suspects sont généralement tués lors d’un échange de tirs. La doctrine djihadiste, telle qu’elle a été observée lors de nombreux attentats, prévoit qu’après avoir perpétré leur attaque, les auteurs, s’ils sont encore en vie, fassent un maximum de victimes parmi les forces de l’ordre au prix de leur propre vie, ce qui complique grandement toute tentative d’interpellation.

Les terroristes tués lors d’une traque

Plus rarement, les suspects parviennent à fuir le lieu de l’attentat mais sont retrouvés par la suite et « neutralisés », c’est-à-dire tués lors de leur confrontation avec les forces de l’ordre. C’est notamment le sort d’Abdelhamid Abaaoud, tué le 18 novembre 2015 à Saint-Denis ou des frères Kouachi, le 9 janvier de la même année, au surlendemain du carnage qu’ils perpétrèrent dans les locaux de Charlie Hebdo. A chaque fois après avoir ouvert le feu contre les forces de l’ordre. C’est ce même scénario qui s’est produit à Strasbourg.

Les terroristes (et leurs complices) arrêtés

Il arrive aussi que des terroristes présumés soient interpellés. C’est le cas de Mehdi Nemmouche, le tueur du Musée juif de Bruxelles, en mai 2014 ; de l’auteur de l’attentat raté dans un train Thalys en août 2015 ; de celui d’une attaque à Finnsburry Park, en juin 2017 ; de l’homme qui avait décapité son patron dans l’Isère le 26 juin 2015 (il s’était suicidé en prison quelques mois plus tard) ; ou encore du chauffeur d’un camion bélier dans une rue piétonne de Stockholm, en avril 2017.

C’est également le cas de Salah Abdeslam, l’un des dix membres du commando des attentats du 13 novembre 2015 à Paris, qui n’avait pas pu déclencher sa ceinture explosive, et de deux des auteurs des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles – parmi lesquels Mohamed Abrini – qui n’avaient pas, eux non plus, activé leurs explosifs.

Au-delà des auteurs présents sur les lieux de l’attaque, d’autres suspects peuvent être interpellés au cours de l’enquête pour complicité. Plus d’une dizaine de personnes seront ainsi jugées dans le cadre du procès des attentats du 13 novembre 2015.

A la suite des attaques commises à Barcelone et Cambrils, en Espagne, au mois d’août 2017, plusieurs arrestations avaient également eu lieu en France plusieurs mois plus tard. Ces interpellations sont cruciales pour les enquêteurs, car elles permettent de reconstituer les réseaux, de découvrir de nouveaux complices et d’identifier les éventuels commanditaires.

Les policiers encadrés par la loi

Dans tous ces cas, les policiers agissent dans le cadre autorisé par la loi : ils peuvent faire usage de leur arme lorsque des individus armés portent atteinte à leur intégrité physique (ce qui était le cas à Strasbourg, puisque le suspect a tiré au moins une fois dans leur direction), dans certaines circonstances, après deux sommations, mais aussi pour empêcher « la réitération, dans un temps rapproché, d’un ou de plusieurs meurtres ou tentatives de meurtre venant d’être commis ».

Des procès plusieurs années après

Mais le temps de l’enquête et le temps de la justice sont longs, en particulier dans des dossiers complexes de terrorisme, ce qui peut donner la fausse impression qu’il n’y a « pas de procès ». Trois ans après les attentats du 13-Novembre, qui ont causé 130 morts à Paris et Saint-Denis, l’enquête judiciaire n’est toujours pas officiellement terminée. Onze personnes soupçonnées d’appartenir au réseau terroriste responsable des attaques de Paris et Bruxelles sont en détention provisoire, dont Salah Abdeslam et Mohamed Abrini, deux sont sous contrôle judiciaire, et cinq font l’objet d’un mandat d’arrêt ou sont présumés morts en Syrie. Le procès pourrait se tenir en 2021.

Le Roubaisien Mehdi Nemmouche, principal suspect dans la fusillade du Musée juif de Bruxelles, qui avait fait quatre morts le 24 mai 2014, devrait comparaître devant les assises belges en janvier 2019. Il pourrait aussi faire l’objet d’un autre procès en France pour l’enlèvement et la séquestration de journalistes français en Syrie.

Il arrive parfois que la justice soit plus rapide. Ainsi, au Royaume-Uni, Ahmed Assan, un jeune demandeur d’asile irakien qui avait posé une bombe dans le métro londonien en septembre 2017, faisant une cinquantaine de blessés, a été condamné en mars 2018 à une peine d’emprisonnement à vie.

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