Thomas Wieder – Le Monde
A six mois des élections européennes, l’heure est à l’union affichée pour Emmanuel Macron et Angela Merkel, malgré leurs divergences sur le fond, et alors que tous deux sont affaiblis par des contestations sur le plan intérieur. En visite à Berlin, dimanche 18 novembre, le chef de l’Etat français a participé en fin de matinée à une rencontre avec des jeunes sur le thème de la paix, avant de déposer une gerbe à la « Nouvelle Garde » (Neue Wache), le « mémorial aux victimes de la guerre et de la tyrannie », puis de s’exprimer devant le Bundestag à l’occasion du « jour de deuil national » (Volkstrauertag), instauré en 1952 en hommage aux victimes des conflits armés.
Exhortant l’Allemagne à ouvrir avec la France une « nouvelle étape » dans la construction européenne afin de « ne pas laisser le monde glisser dans le chaos et de l’accompagner sur le chemin de la paix, M. Macron a appelé de ses vœux une « Europe plus forte et plus souveraine », estimant que « l’Europe ne pourra jouer son rôle si elle-même devient le jouet des puissances ».
« Notre monde se trouve à la croisée des chemins », a-t-il ajouté, en mettant en garde contre le risque de voir le « nationalisme sans mémoire » et le « fanatisme sans repères » prendre le dessus. « Cette nouvelle responsabilité franco-allemande consiste à doter l’Europe des outils de sa souveraineté », a encore dit le chef de l’Etat, en mentionnant notamment la nécessité de construire une défense commune et de mettre en œuvre une politique migratoire avec un système d’asile harmonisé.
« Standing ovation » des députés allemands
Dans son discours d’une vingtaine de minutes, M. Macron a enjoint aux Français et aux Allemands de « surmonter les tabous et dépasser les habitudes » pour aller de l’avant. « En France, la souveraineté résonne. En Allemagne, je sais qu’elle peut étonner ou effrayer. En Allemagne, l’unité de l’Europe est cardinale. L’Europe à 28 – demain à 27 – rassure. La France, elle, vit dans la nostalgie d’un club des 6. Ici, les règles créent la confiance et de l’adhésion. En France, elles ont souvent engendré la méfiance et l’art du contournement », a-t-il souligné, avant d’insister sur l’enjeu de cette « nouvelle étape » de la construction européenne qu’il appelle de ses vœux : la « mise en commun », par chacun des Etats membres, de « sa capacité de décision, [de] sa politique étrangère, migratoire ou de développement, [d’]une part croissante de son budget et même des ressources fiscales ».
Très applaudi par les députés allemands, qui lui ont offert une standing ovation, le président français s’est ensuite rendu à la chancellerie pour un rendez-vous de travail avec Angela Merkel. A six mois des élections européennes, M. Macron attend en effet du gouvernement allemand un soutien plus actif à ses propositions de relance de l’Europe énoncées dans son discours de la Sorbonne, le 26 septembre 2017, et auxquelles Mme Merkel a répondu tardivement et prudemment.
Après la feuille de route commune de réformes rédigée le 19 juin lors du sommet franco-allemand de Meseberg, près de Berlin, le chef de l’Etat veut trouver des convergences avec Berlin que le Conseil européen des 13 et 14 décembre avaliserait, avant d’éventuellement aller plus loin après le scrutin européen.
Au-delà de la bonne entente affichée entre les deux dirigeants – avant leur entretien, Mme Merkel a notamment salué devant la presse le « remarquable discours » de M. Macron au Bundestag –, la liste des points à discuter entre la France et l’Allemagne est longue. Sur la zone euro, une avancée a été faite à Meseberg, et les ministres des finances des deux pays, Bruno Le Maire et Olaf Scholz, ont diffusé une prise de position commune, vendredi, en amont de l’Eurogroupe de lundi. Mais on est loin des ambitions françaises de départ, tant sur le montant du futur budget de la zone euro que sur sa nature, Paris souhaitant un budget autonome et non une simple ligne financière dans le budget de l’Union européenne.
Sur le projet d’armée européenne, souhaité par M. Macron et approuvé par Mme Merkel, mardi, dans un discours au Parlement européen, les deux dirigeants sont encore restés assez imprécis quant à l’architecture qu’ils imaginent. Concernant la taxation des grandes entreprises du numérique, enfin, la France attend que l’Allemagne soutienne davantage ses propositions.