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L’obstructionnisme devient la règle du jeu

L’obstructionnisme devient la règle du jeu
L’obstructionnisme devient la règle du jeu

suzanne BAAKLINI | OLJ

 

 

Bien que la mission du ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, en vue de désamorcer les obstacles qui empêchent la formation d’un gouvernement, soit toujours entourée de secret, tous les observateurs s’accordent à dire qu’elle vise principalement à assainir l’atmosphère, en vue de proposer des solutions futures.

Le dernier nœud en date, connu comme celui des « sunnites du 8 Mars » que le Hezbollah veut voir représenter au Parlement alors que le Premier ministre désigné Saad Hariri le refuse catégoriquement, entravent les efforts de formation du premier gouvernement après les élections législatives de mai dernier. Pour contribuer à sortir de l’impasse, M. Bassil multiplie depuis quelques jours ses réunions avec différentes parties, politiques autant que religieuses. Après une visite au mufti de la République Abdellatif Deriane mercredi, le président du Courant patriotique libre s’est rendu à Bkerké hier pour s’entretenir avec le patriarche maronite Béchara Raï, en compagnie du député Ibrahim Kanaan.

À l’issue de la réunion, M. Bassil a fait une déclaration très courte, ne répondant qu’à une seule question des journalistes, sur la possibilité d’une formation prochaine du gouvernement, par ces seuls mots : « Priez avec nous. » Il a simplement souligné avoir obtenu la bénédiction du patriarche pour ses efforts, comme celle du mufti le jour d’avant.

Selon des sources bien informées qui suivent de près la tournée de M. Bassil, le but de ce dernier reste de faire régner un climat plus positif avant de se rediriger vers le Hezbollah pour tenter de proposer des solutions. Il garderait ainsi ses efforts loin des médias afin de leur assurer un maximum de chances de réussite. Il semble que le ministre des AE n’ait pas de réunions prévues aujourd’hui, sachant que la semaine prochaine sera ponctuée par deux congés, ce qui ralentira pour sûr un processus déjà bloqué.

Une proposition de Berry rejetée ?

Toujours selon ces sources, la formation du gouvernement reste en butte à des obstacles quasiment infranchissables. En effet, disent-elles, les sunnites dits du 8 Mars continuent de refuser toute solution qui n’accorde pas à l’un d’eux un siège dans la part qui revient au Premier ministre désigné. Ils partent du fait qu’ils représenteraient 30 % des sunnites, en d’autres termes ceux qui sont proches du Hezbollah et qui ne se reconnaissent pas dans la mouvance saoudienne, et que cet état de fait devra être clairement reflété dans la composition du gouvernement.

Et dans ce cadre, les propositions de solutions médianes sont rejetées l’une après l’autre : il semble en effet, selon les mêmes sources, que le président du Parlement Nabih Berry aurait proposé d’accorder au président de la République, Michel Aoun, un ministre chiite, en échange d’un ministre sunnite, Kassem Hachem (qui fait partie des six), dans son propre bloc ministériel. Or cette proposition aurait été rejetée par les sunnites du 8 Mars comme par le Hezbollah, une preuve de plus concernant les velléités de blocage, soulignent ces sources.

Pour elles, il semble que le Hezbollah préfère ajourner la naissance du gouvernement, tant qu’il fait l’objet d’accusations et de sanctions américaines. Pourquoi faciliterait-il la formation du gouvernement sans rien obtenir en contrepartie, dans ces circonstances ?

Confirmant quelque peu ces informations, le député Walid Succariyé, qui fait partie du bloc des six, a insisté, dans une intervention télévisée hier, sur le fait que ces députés « représentent une nouvelle tendance politique au sein de la communauté sunnite », estimant que « les propositions d’échanger des ministres d’un bloc donné à un autre signifie qu’on ne veut pas reconnaître ce qu’ils représentent ». Il a nié avoir des détails sur la proposition qui aurait été faite par M. Berry et a demandé à M. Hariri de « les représenter correctement dans son cabinet ».

« Nous n’accepterons pas un nouveau 7-Mai »

Dans la journée, M. Bassil avait reçu, aux bureaux du CPL à Mirna Chalouhi, l’ancien ministre Mohammad Safadi, pour discuter des aléas de la formation du gouvernement. À l’issue de cette réunion, M. Safadi a assuré « avoir décelé, dans toutes (ses) réunions avec des responsables, la volonté de former un gouvernement ». À une question sur sa possible participation au futur cabinet, il a estimé que « le plus important reste la formation du gouvernement, pas les membres qui y seront représentés ».

Un autre ténor sunnite n’a pas fait preuve d’une telle diplomatie, ne mâchant pas ses mots à l’encontre du Hezbollah. L’ancien Premier ministre Tammam Salam a estimé, dans une interview à une chaîne arabe, que « le nœud du soit-disant bloc de sunnites indépendants est artificiel, et c’est le Hezbollah qui en assume la responsabilité ». Il a appelé « toutes les parties politiques à faciliter la formation du gouvernement Hariri, afin d’éloigner le Liban du grand conflit américano-iranien qui sévit dans la région ». Il a estimé que s’il y a des raisons internes qui expliquent cette impasse, on ne peut négliger le grand conflit régional « dans lequel le Liban, tout comme l’Irak, sont utilisés comme des cartes de pression par le biais des blocages gouvernementaux ».

Abondant dans le même sens, le député Nadim Gemayel, bloc Kataëb, a carrément prôné la confrontation contre ce qu’il a appelé « un plan que le Hezbollah tente d’imposer au Liban ». « Nous n’accepterons pas un nouveau 7-Mai », en allusion à l’occupation des permanences du Futur par le Hezbollah dans la capitale en 2008. Le député a affirmé que « le temps des compromis, des concessions, des menaces et du raccommodage est bien fini », appelant à un « repositionnement des forces du 14 Mars, même si certains politiciens de ce camp ont déçu les Libanais pour satisfaire des intérêts étroits ».

Enfin, comme perspective de solution, le député Samy Gemayel, chef du parti Kataëb, a proposé « un gouvernement de spécialistes dont la mission serait de sauver le pays économiquement et socialement et mettre en application un plan de réformes ». « Nous sommes désolés de voir que le débat autour du gouvernement n’est fondé que sur des problèmes liés au partage des parts », a-t-il poursuivi.

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