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La directrice de la CIA, Gina Haspel, était particulièrement attendue au Sénat, à Washington, mardi 4 décembre. Les élus avaient en effet regretté son absence, une semaine plus tôt, aux côtés du secrétaire d’Etat, Mike Pompeo, et du secrétaire à la défense, James Mattis, pour tâcher d’en savoir plus sur le rôle du prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman (« MBS »), dans la disparition du journaliste dissident Jamal Khashoggi, en octobre, dans le consulat du royaume à Istanbul.
Après la publication par le Wall Street Journal de « fuites » accablantes pour le prince, l’audition à huis clos de Gina Haspel a produit l’effet opposé à celui sans doute espéré par Donald Trump. Le président américain assure que rien ne permet d’incriminer l’homme fort de Riyad. Après avoir été informés de l’état des connaissances de la CIA, les sénateurs démocrates et républicains habilités à recevoir des informations confidentielles ont conclu au contraire à la responsabilité du prince héritier dans la mort de ce résident américain, chroniqueur au Washington Post.
Le président républicain de la puissante commission des affaires étrangères, Bob Corker, qui quittera le Sénat en janvier 2019, a ainsi estimé que si Mohammed Ben Salman était présenté devant un tribunal, « il serait reconnu coupable en trente minutes », assurant n’avoir « aucun doute » sur sa responsabilité.
« Smoking saw »
Le secrétaire à la défense avait assuré qu’il n’existait pas de « smoking gun » – « pistolet fumant », autrement dit une preuve – pour étayer une pareille accusation. Grinçant, le sénateur républicain Lindsey Graham a rétorqué qu’il y avait une « smoking saw », en référence à la scie à os dont l’équipe saoudienne dépêchée à Istanbul s’était équipée selon les autorités turques.
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Pour des raisons de confidentialité, les sénateurs n’ont pas divulgué le contenu de leur échange avec la directrice de la CIA. Les conclusions auxquelles l’agence de renseignement est parvenue, et qui tranchent avec la mansuétude exprimée par le président des Etats-Unis, reposent en partie sur des enregistrements manifestement clandestins effectués dans le consulat par les services turcs, ainsi que sur des écoutes et sur l’interception de messages entre des personnalités saoudiennes et le prince héritier effectuée par la CIA au moment précis de la disparition du dissident.