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L’armée israélienne a annoncé, mardi 4 décembre, le déclenchement de l’opération « Northern Shield » (« Bouclier du Nord »), à la frontière avec le Liban. Il s’agit de détruire des tunnels d’attaque creusés par le Hezbollah, en agissant uniquement « à l’intérieur du territoire souverain d’Israël », selon les autorités. On ne connaît pas encore les détails opérationnels, en particulier le nombre de cibles et leurs dimensions. En revanche, au cours d’une conférence téléphonique à l’aube, le porte-parole de l’armée Jonathan Conricus a précisé que ces tunnels n’étaient pas encore achevés.
Selon une autre source israélienne, l’opération pourrait durer plusieurs semaines, afin de sécuriser l’ensemble de la frontière. Aucune instruction particulière n’a été adressée à la population civile dans le nord d’Israël. Les réservistes ne sont pas mobilisés à cette heure. La zone autour de la commune de Metoula a été déclarée fermée. L’armée explique qu’après la guerre de 2006 la milice chiite libanaise a développé des infrastructures défensives dans les villages du sud du pays. Puis, à partir de 2012, elle a travaillé sur un plan d’attaque appelé « Conquérir la Galilée », pour porter le combat à l’intérieur d’Israël, en cas de nouveau conflit.
Expérience acquise en Syrie
L’Etat hébreu connaît depuis longtemps les efforts du Hezbollah pour construire des tunnels sophistiqués, permettant de faire circuler des véhicules et d’entreposer des armes. Après la guerre à Gaza, à l’été 2014, l’armée a établi un groupe spécialisé pour les repérer. En outre, un mur a commencé à être érigé le long de la frontière, pour remplacer une simple clôture. A ce stade, 11 kilomètres sont construits. L’objectif est de déployer partout les mêmes technologies de pointe que celles utilisées autour de Gaza. Elles ont fait leurs preuves depuis octobre 2017, permettant à l’armée de détruire quinze tunnels du Hamas et du Jihad islamique.
La menace posée par le Hezbollah est redoutable pour Israël. Mais le moment choisi pour déclencher cette opération et la communication intense qui l’accompagne suscitent des interrogations. « Bouclier du Nord » débute deux semaines après la crise gouvernementale provoquée par le départ, du ministère de la défense, d’Avigdor Lieberman, qui accusait le premier ministre de complaisance à l’égard du Hamas, et deux jours après que la police a recommandé l’inculpation de M. Nétanyahou, dans une troisième enquête en cours pour corruption. Devenu ministre de la défense, le chef du gouvernement peut compter sur cette séquence pour rétablir en partie sa crédibilité en matière de sécurité nationale.
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La suite des événements va dépendre de la réponse du Hezbollah. Sa puissance de feu et son expérience acquise en Syrie, malgré les pertes humaines, inquiètent les responsables israéliens. Chaque camp promet à l’autre des destructions sans précédent en cas de nouveau conflit, dans une sorte de dissuasion mutuelle verbale. En juin 2017, le major général Amir Eshel expliquait ainsi que les forces aériennes sous sa direction étaient capables de réaliser « en quarante-huit à soixante heures » ce qui avait nécessité trente-quatre jours lors de la guerre de 2006.
Systèmes de guidage sophistiqués
Mais les experts estiment aussi que la milice chiite, soutenue par l’Iran, s’est renforcée comme jamais. Elle dispose d’environ 120 000 roquettes et missiles. Le nombre est impressionnant, mais la précision et la portée des armes les plus avancées le sont encore davantage. Le Hezbollah est capable de déclencher des centaines de tirs en une journée vers les grandes villes israéliennes, en utilisant des systèmes de guidage sophistiqués.
Lors d’un déplacement surprise, qui se voulait un avertissement à tous les acteurs impliqués, M. Nétanyahou a rencontré, lundi, le secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo, à Bruxelles, pour parler de « l’agression de l’Iran dans la région ». En lançant « Bouclier du Nord », Israël veut mettre la pression sur le gouvernement libanais. Outre les tunnels, l’appareil sécuritaire met en garde depuis des mois contre le développement, avec l’aide d’experts iraniens, d’ateliers de fabrication de missiles de haute précision au Liban.
Les frappes aériennes régulières d’Israël en Syrie auraient accéléré ce processus, le Hezbollah considérant que l’armée n’oserait pas frapper à l’intérieur du territoire libanais, de peur de basculer dans un conflit ouvert.