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Jeune diplomate, elle rêvait de devenir ambassadrice de France à Tbilissi, certainement pas présidente. C’est pourtant elle, Salomé Zourabichvili, qui occupera les bureaux de l’ultramoderne palais présidentiel durant les cinq années à venir, après sa large victoire lors de l’élection présidentielle géorgienne de mercredi 28 novembre.
Créditée de 59,6 % des voix, selon des résultats encore partiels, cette ancienne diplomate française a dû batailler de longues années pour accéder à la fonction suprême – quoique largement honorifique – dans le pays que ses grands-parents ont fui il y a près d’un siècle. Dans la dernière ligne droite, celle qui se présentait comme candidate « indépendante » a aussi dû s’appuyer sur la puissante machine de guerre électorale du Rêve géorgien, le parti au pouvoir de l’oligarque Bidzina Ivanichvili, parrain de la politique géorgienne qui a mis ses immenses ressources à son service, l’opposition allant jusqu’à dénoncer des fraudes.
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« Mes ancêtres vivaient dans ce quartier », glissait-elle en meeting électoral dans le vieux Tbilissi, à quelques jours du premier tour. Car de cette incongruité – celle d’une candidate qui a découvert la Géorgie pour la première fois en 1986 et a renoncé à son passeport français quelques mois seulement avant le scrutin –, la candidate avait fait un argument électoral : comme une garantie de probité et l’assurance que l’ancienne diplomate de 66 ans saurait mener à bien le rapprochement avec l’Union européenne auquel aspire la Géorgie.
Les ancêtres de Salomé Zourabichvili sont issus d’une vieille famille géorgienne. Ses grands-parents ont soutenu la déclaration d’indépendance de la petite république du Caucase en 1918, avant de s’exiler à l’arrivée de l’Armée rouge. Sa mère naît à Istanbul, son père a quatorze ans quand il arrive en France. « A la maison, nous parlions géorgien », confiait-elle au Monde début novembre. Elle-même a maintenu la tradition, et inculqué la langue à ses enfants – fille journaliste, fils diplomate à l’ambassade de France à Londres. « C’est un combat, de conserver cette culture, alors les attaques sur mon patriotisme me font particulièrement mal », disait-elle encore.
Cible des réseaux sociaux
Ces attaques, elles ont commencé dès le début de sa campagne, en août, quand la candidate a estimé que « c’est la Géorgie » qui a déclenché la guerre d’août 2008 avec la Russie, Mikheïl Saakachvili cédant aux provocations russes. Un sacrilège dans un pays où les critiques de l’ancien président lui reprochent tout au plus son imprudence, sans remettre en cause la responsabilité première de Moscou. Son géorgien légèrement suranné et un peu incertain n’a pas aidé, Salomé Zourabichvili est devenue la cible d’une partie des réseaux sociaux, qui l’ont dépeinte en « traîtresse » ou en politicienne arrogante et coupée du peuple. Son camp, certes, n’a pas été en reste, qui a fait campagne en qualifiant les dirigeants de l’opposition de « nazis » et en laissant se développer dans les régions un climat de tension et, parfois, de violences.