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« Gilets jaunes » : après les violences du 1er décembre, le gouvernement face à une crise majeure

Le Monde

L’heure des comptes et du grand ménage. Le long des grandes artères de l’ouest et du centre de Paris, marquées par les dégradations survenues lors de la troisième journée de mobilisation des « gilets jaunes », des agents d’entretien étaient à pied d’œuvre, dimanche 2 décembre au matin. De nombreux commerces, couverts de planches la veille au soir pour prévenir les pillages, étaient toujours barricadés.

Le président Emmanuel Macron est allé constater les dégâts dans le centre de la capitale, dès le début de la journée, alors que l’exécutif doit faire face à une crise politique majeure. Dans les rangs de l’opposition, certains appellent, désormais, à des élections anticipées pour sortir du blocage.

Emmanuel Macron place de l’Etoile

Tout juste revenu du sommet du G20 à Buenos Aires, le chef de l’Etat s’est directement rendu à l’Arc de triomphe, place de l’Etoile, qui fut le théâtre de violences et de dégradations samedi. Accompagné du ministre de l’intérieur Christophe Castaner et du secrétaire d’Etat Laurent Nunez, il s’est rendu au pied de la tombe du soldat inconnu, avant d’entrer à l’intérieur du monument, en partie saccagé.

Le président a ensuite rendu hommage aux forces de l’ordre et rencontré des commerçants sur l’avenue Kleber, en partie vandalisée. Parfois applaudi, Emmanuel Macron a aussi essuyé les huées d’une foule de plus en plus nombreuse. « Macron démission », ont scandé à plusieurs reprises des « gilets jaunes ».

Une réunion de crise du gouvernement

Une réunion de crise s’est tenue à la mi-journée à l’Elysée autour d’Emmanuel Macron. Le président a souhaité que Christophe Castaner « mène une réflexion sur la nécessité éventuelle d’une adaptation du dispositif du maintien de l’ordre dans les jours à venir ». Il a également souligné, de nouveau, « l’importance du suivi judiciaire pour qu’aucun acte commis ne reste impuni ». Il a par ailleurs demandé au premier ministre Edouard Philippe de recevoir « les chefs de partis représentés au Parlement ainsi que des représentants des manifestants ».

Parmi les premiers reçus, dès lundi, le premier secrétaire du Parti socialiste, Olivier Faure, est attendu à 10 heures à Matignon, Laurent Wauquiez, président des Républicains, à 10 h 45 et Marine Le Pen (Rassemblement national) à 15 heures. Parmi les autres chefs de partis, David Cormand (Europe Ecologie-Les Verts) est attendu à Matignon à 11 h 30, Stanislas Guerini (La République en Marche) à 12 heures, Jean-Christophe Lagarde (Union des démocrates et indépendants) à 13 h 30, Benoît Hamon (Génération-s) à 15 h 30, Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) à 16 heures. Suivront dans l’après-midi, Franck Riester (Agir) à 16 h 30, Marielle de Sarnez (vice-présidente du MoDem) à 17 h 15, Florian Philippot (Les Patriotes) à 18 heures et Fabien Roussel (Parti communiste français) à 19 h 30.

« Le collectif des gilets jaunes qui a exprimé sa volonté de nouer un dialogue avec le gouvernement » dans une tribune publiée par le Journal du dimanche, a également été invité, ainsi que la maire de Paris, Anne Hidalgo (PS).

La commission des lois du Sénat a, elle, fait savoir qu’elle entendrait mardi « les explications » de Christophe Castaner et Laurent Nunez sur les violences de samedi. « Le gouvernement n’a pas le droit à un troisième samedi noir », a mis en garde le président du Sénat, Gérard Larcher, alors que plusieurs appels ont été lancés sur Facebook pour manifester à nouveau samedi prochain à Paris.

378 personnes en garde à vue à Paris

Au total, 682 personnes ont été interpellées samedi en France – dont 412 à Paris – et 630 placées en garde à vue, selon le bilan de la préfecture de police. Au moins 263 personnes ont été blessées, dont 81 membres des forces de l’ordre. Selon le ministère de l’intérieur, 136 000 personnes ont manifesté samedi, contre 166 000 le 24 novembre et 282 000 le 17 novembre.

Selon le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, 378 personnes étaient toujours en garde à vue dimanche soir, dont 33 mineurs. Décrivant des profils variés, le procureur a expliqué que les personnes interpellées étaient pour beaucoup « des hommes majeurs, de 30 à 40 ans, venant souvent de province, insérés socialement et venus pour en découdre avec les forces de l’ordre tout en se revendiquant du mouvement des “gilets jaunes” ». Le procureur a également évoqué « des profils plus jeunes, issus de la région parisienne, venus profiter notamment des pillages ». « Jamais le parquet de Paris n’a eu à gérer un nombre aussi important de gardes à vue », a-t-il ajouté.

Un troisième mort en marge du mouvement

Un troisième décès est survenu en marge du mouvement des « gilets jaunes » dans la nuit de samedi à dimanche, à Arles (Bouches-du-Rhône), lorsqu’un automobiliste a percuté un poids lourd à l’arrêt en raison d’un bouchon provoqué par un barrage.

Ce décès s’ajoute à celui d’une manifestante tuée le 17 novembre en Savoie, après avoir été percutée par une conductrice prise de panique, et à celui d’un motard tué après une collision avec une camionnette deux jours plus tard dans la Drôme.

Mélenchon et Le Pen appellent à des élections anticipées

L’opposition et une partie des « gilets jaunes » continuent de réclamer un geste fort au gouvernement, à commencer par un moratoire ou un gel de la hausse des taxes sur les carburants. Une proposition à laquelle de plus en plus de députés de la majorité se déclarent d’ailleurs eux aussi favorables.

Marine Le Pen et Jean-Luc Mélenchon ont tous deux réclamé dimanche des élections anticipées pour sortir de la crise. « Je ne vois pas, au niveau où nous sommes de la gravité de cette crise politique, comment sortir par le haut, à part en retournant aux urnes », a déclaré la présidente du Rassemblement national (RN).

Entre la légitimité de l’exécutif et celle des « gilets jaunes », « il n’y a qu’une manière de trancher, c’est le vote, alors ça s’appelle la dissolution », a déclaré de son côté le chef de file de La France insoumise (LFI), en dénonçant l’attitude du gouvernement qui « choisit le pourrissement [au lieu de] choisir l’apaisement » et l’annulation de la hausse de la fiscalité sur les carburants.

Le président des Républicains (LR), Laurent Wauquiez, a réitéré son appel à un référendum sur la politique écologique et fiscale d’Emmanuel Macron. A gauche, le patron du PS, Olivier Faure, a réclamé des états généraux sur le pouvoir d’achat, alors que le mouvement Génération·s a demandé la démission de M. Castaner.