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Blocages des « gilets jaunes » : une manifestante tuée aux abords d’un barrage en Savoie, plus de 200 blessés

Le Monde

La journée de mobilisation des « gilets jaunes » a débuté par un drame, samedi 17 novembre. Une manifestante est morte à Pont-de-Beauvoisin, en Savoie, au niveau d’un barrage non déclaré, a annoncé le ministre de l’intérieur Christophe Castaner samedi matin.

Alors que plus de 2 000 rassemblements et 282 700 manifestants ont été recensés par la Place Beauvau au plus fort de la mobilisation, certains blocages se sont déroulés sous tension, entraînant des accidents. Au total, 229 personnes ont été blessées, dont sept grièvement, selon un bilan apporté par le ministre de l’intérieur. Les forces de l’ordre ont interpellé 117 personnes. Parmi elles, 73 ont été placées en garde à vue.

« J’en appelle à la responsabilité de ceux qui organisent ces manifestations. Ils ont porté un message. Il est entendu », a déclaré M. Castaner. « Le gouvernement est attentif à toutes les mobilisations, nous devons maintenant continuer à répondre aux attentes des Français y compris en termes de pouvoir d’achat », a-t-il ajouté.

Les autorités s’inquiètent de la poursuite du mouvement malgré la nuit. « Les manifestations aujourd’hui bon enfant, se transforment ce soir avec l’arrivée de casseurs », a estimé Richard Lizurey, directeur général de la gendarmerie nationale précisant que des cocktails Molotov avaient été jetés contre les forces de l’ordre. A 19 heures, 206 points de blocage n’avaient pas encore été levés, a précisé le ministère.

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Un accident mortel

Au Pont-de-Beauvoisin, en Savoie, une automobiliste qui conduisait sa fille chez le médecin a été prise de panique quand les manifestants se sont mis à taper sur sa voiture. Elle a alors foncé sur eux, percutant une femme de 63 ans, a fait savoir le ministre de l’intérieur. En état de choc, la conductrice a été placée en garde à vue.

Cette manifestation, comme de nombreuses autres organisées en France pour protester contre la hausse des taxes sur le carburant, n’était pas déclarée.

Des manifestants percutés par des automobilistes

Du Var, à la Gironde, en passant par la Charente et le Nord, les personnes blessées sont des manifestants percutés par des automobilistes en colère face aux mouvements de blocage. Dans la majorité des cas, les conducteurs ont été interpellés.

Dans le Pas-de-Calais, à Arras, un manifestant de 71 ans a été percuté par un automobiliste qui tentait de forcer un barrage au niveau d’un rond-point à l’entrée de la ville. Il a été hospitalisé dans un état grave, selon la préfecture.

A Biganos, dans le bassin d’Arcachon (Gironde), la personne la plus sérieusement blessée, un « gilet jaune », a été percutée par une voiture au niveau du bassin et elle a été évacuée.

A La Réunion, un automobiliste a même tiré en l’air devant des « gilets jaunes » mobilisés sur l’île, où une vingtaine de barrages ont été recensés au total.

Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des « gilets jaunes » qui bloquaient l’accès au viaduc des Egratz à Passy, en Haute-Savoie, a fait savoir la préfecture. La situation a évolué vers « un vrai blocage » et les CRS ont fait « usage de lacrymogènes » face à « quelques personnes assez vindicatives », a précisé la préfecture, ajoutant que cela s’était produit en plein air sans faire de blessés.

Des policiers blessés

A Grasse, dans les Alpes-Maritimes, un automobiliste a « tenté de forcer un barrage » à un rond-point, renversant un policier, qui a été « légèrement blessé », selon la préfecture. L’homme a été arrêté. Le policier « souffre de contusions légères », a précisé la même source.

Deux policiers ont été blessés samedi à Quimper (Finstère) par un véhicule qui prenait part à la manifestation des « gilets jaunes » et les a heurtés volontairement, a annoncé la préfecture dans un communiqué. Les deux policiers ont été pris en charge par les secours, a-t-elle fait savoir, sans pouvoir préciser le degré de gravité de leurs blessures. Le conducteur du véhicule a été interpellé.

A 16 h 30, des heurts opposaient aux abords de la préfecture du Finistère, des policiers à plusieurs centaines de « gilets jaunes ». « Les forces de l’ordre sont déployées autour de la préfecture et cela nécessite l’emploi de gaz lacrymogène », ont rapporté les autorités sans plus de détail.

Un motard de la police, positionné à un carrefour dans le cadre de la sécurisation de la mobilisation à Strasbourg, a été hospitalisé après avoir été percuté par un véhicule samedi, a-t-on appris auprès de la préfecture. Le fonctionnaire de police souffre de plusieurs fractures et a été hospitalisé.

Les principaux rassemblements

Les actions des « gilets jaunes » visent à perturber ou à bloquer notamment les accès aux villes, les rocades et les grands axes routiers, des aéroports, des dépôts et des raffineries de carburants. Des opérations escargot sont également menées sur les périphériques des grandes villes.

A Paris, où le mouvement est peu suivi, quelques centaines de « gilets jaunes » ont défilé sur l’avenue des Champs-Elysée, partiellement bloquée à la circulation. Dans la capitale, une cinquantaine de motards et de VTC étaient également à l’arrêt place de la Bastille, empêchés d’avancer par les forces de l’ordre. En fin de journée, des centaines de manifestants se sont dirigés vers l’Elysée, où ils ont été repoussés par les forces de l’ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogène.

A la mi-journée, environ 400 personnes étaient au rendez-vous sur le parking du centre commercial Chamnord à Chambéry, avec pour objectif d’interrompre le trafic sur la voie rapide urbaine. Une centaine de véhicules bloquaient la sortie ouest de l’autoroute A9 à Béziers (Hérault), d’autres opérations étaient en cours autour de Perpignan, tandis que l’accès à l’A61 à hauteur du péage de Toulouse sud était lui aussi bloqué.

Quelque 150 « gilets jaunes » ont installé un barrage filtrant des deux côtés de la frontière franco-espagnole près d’Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), sur l’A63, créant de longues files de voitures et de camions.

Plusieurs milliers de « gilets jaunes » ont convergé samedi après-midi à Dijon pour une manifestation qui a dégénéré. En début d’après-midi entre 5 000 et 6 000 personnes s’étaient réunies devant le zénith, selon la préfecture, soit l’une des plus fortes mobilisations du pays. Mais des motards sont partis vers le centre-ville alors qu’il était prévu que le rassemblement se dirige vers la rocade et la plupart des manifestants les ont suivis. Résultat : les forces de l’ordre ont dû intervenir pour bloquer les manifestants « les plus virulents », rapporte la préfecture.

Réactions politiques

S’il se veut « apolitique », le mouvement de protestation contre la hausse des prix des carburants a reçu le soutien de plusieurs représentants politiques. Le président du mouvement souverainiste Debout la France (DLF), Nicolas Dupont-Aignan, a jugé sur Franceinfo que le gouvernement avait une « dernière chance » d’entendre « le peuple ».

Plusieurs responsables du parti Les Républicains (LR) se sont également rendus à des rassemblements, tel Guillaume Peltier dans le Loir-et-Cher et Damien Abad dans l’Ain. Laurent Wauquiez, le chef de LR, participera à une manifestation au Puy-en-Velay dans l’après-midi.

Des élus du Rassemblement national étaient aussi présents aux côtés des « gilets jaunes », mais pas Marine Le Pen. Des « insoumis » participaient également aux manifestations, et leur leader, Jean-Luc Mélenchon, pourrait faire une apparition, dans un lieu encore non précisé.

A contrario, des députés de La République en marche (LRM) s’inquiétaient du premier bilan humain de ce mouvement et soulignaient que la sécurité devait être « la priorité absolue », selon les mots de Matthieu Orphelin, député (LRM) de Maine-et-Loire, qui a pour sa part évoqué « un terrible bilan ».

Dans une interview au Journal du Dimanche, Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, a mis en garde « ceux qui veulent récupérer politiquement le mouvement » des « gilets jaunes », qui « en seront pour leurs frais ». « Voir des gens qui ont cumulé hier tous les postes, de député à ministre, nous expliquer qu’ils vont aller mettre un gilet jaune, c’est grotesque », juge cet ancien des Républicains.

Défendant la fiscalité voulue par le gouvernement dans Le Parisien, le ministre de la transition écologique François de Rugy affirme y avoir « vu avant tout l’expression de l’inquiétude profonde des habitants d’une France périurbaine prisonnière du tout voiture. (…) Cette France-là a le sentiment d’appartenir aux invisibles dans le débat politique ».