Le Monde
Presque dix-huit mois après son élection, le président de la République a accordé, mercredi 14 novembre, un entretien à la chaîne TF1 lors du journal de 20 heures, présenté par Gilles Bouleau. L’échange filmé depuis le porte-avions Charles-de-Gaulle a donné l’occasion à Emmanuel Macron de revenir sur son ambition d’une coordination de la défense entre les Etats européens, et de répondre aux « gilets jaunes », à l’initiative d’un mouvement de blocage des axes de transports, le 17 novembre.
Dans une première partie de l’entretien consacré à la stratégie de défense française, Emmanuel Macron a rappelé les décisions déjà prises sur le futur porte-avions à propulsion nucléaire : les études sont lancées avec 40 millions d’euros pour en dessiner les principaux contours. Il prendra la suite du Charles-de-Gaulle sans que les deux ne se côtoient plus que quelques années, nécessaires à une bonne transition. Les décisions à prendre, en 2020, porteront sur le type de propulsion (nucléaire ou autre), la technologie des aéronefs embarqués qui comprendront des drones, et les systèmes permettant d’agir avec des alliés. Il s’agit d’un investissement de 5 milliards à 7 milliards d’euros pour un armement qui sera utilisé jusqu’en 2080.
Le président français a ensuite expliqué de nouveau son projet d’armée européenne en disant qu’en matière de défense l’Europe restait trop dépendante des Etats-Unis. « C’est l’allié avec lequel on prend tous les risques, avec lequel on mène les opérations les plus compliquées mais être allié, ça n’est pas être le vassal et donc pour ne pas être le vassal, on ne doit pas dépendre d’eux », a-t-il développé. « Et donc y compris par rapport aux Américains, nous devons dépenser davantage, nous devons faire davantage nous-mêmes, en tant que Français et en tant qu’Européens », a insisté Emmanuel Macron.
M. Macron a réagi mercredi aux tweets de son homologue américain Donald Trump, a répliqué qu’« entre alliés on se doit le respect ». « A chaque grand moment de notre histoire, nous avons été des alliés et entre alliés on se doit le respect », a-t-il déclaré depuis le porte-avions Charles-de-Gaulle. A peine rentré de Paris, où il avait célébré la paix avec les autres dirigeants du monde, Donald Trump s’est vivement attaqué dans une série de messages sur Twitter à sa proposition de créer une armée européenne.
Sans qualifier lui-même ces tweets, Emmanuel Macron a approuvé les termes de son intervieweur, qui lui demandait s’ils étaient « déplaisants, inélégants » : « Vous avez tout dit », a-t-il résumé. « Je pense que Donald Trump fait de la politique américaine et je lui laisse faire de la politique américaine », a-t-il dit. Le chef de l’Etat a voulu mettre un terme à la polémique en soulignant qu’au-delà des mots, « je ne vais pas me mettre à faire un débat avec le président des Etats-Unis d’Amérique (…) par voie de tweets », a-t-il dit.
« Respect et considération » pour les « gilets jaunes »
Emmanuel Macron a assuré « entendre la colère » de ceux qui veulent manifester samedi contre l’augmentation du prix des carburants, baptisés « gilets jaunes ». « Respect et considération », a résumé le chef de l’Etat, qui a dit vouloir « comprendre » tout en réaffirmant l’intransigeance des forces de l’ordre en cas de blocages illégaux, le 17 novembre.
« Ensuite, je dis méfiance : parce qu’il y a beaucoup de gens qui veulent récupérer ce mouvement », a-t-il fait valoir. En citant notamment La France insoumise et « une partie des socialistes », Emmanuel Macron a dénoncé ceux « qui sont en train de s’opposer à des choses qu’ils avaient eux-mêmes voté : bonjour tristesse et salut la cohérence ». « [Méfiance] quand vous avez ensemble des gens qui veulent plus d’emplois publics et des gens qui veulent moins d’impôts », en visant cette fois-ci, dans la deuxième proposition, les responsables de droite. « Je dis juste aux Français, on est en train de vous mentir et vous manipuler », a-t-il ajouté.
Le président de la République a par ailleurs admis ne pas avoir « réussi à réconcilier le peuple français avec ses dirigeants », ajoutant que le pouvoir ne leur a « sans doute » pas assez apporté de « considération ». « Nos concitoyens aujourd’hui veulent trois choses : qu’on les considère, qu’on les protège, qu’on leur apporte des solutions. Pas des déclarations. Des solutions. La considération, on ne l’a sans doute pas assez apportée », a dit M. Macron.
Le chef de l’Etat a dit vouloir « entendre les Français », « aller au plus près du terrain, peut-être décider d’une manière différente. Pas tout à Paris. En s’exposant davantage. En demandant à nos directions d’administrations centrales, aux ministres, à ceux qui les conseillent, d’aller se confronter au terrain beaucoup plus ». « Considérer c’est entendre quand les gens se plaignent, pour les amener dans cette transformation. Mais les respecter », a ajouté M. Macron.